miércoles, 3 de febrero de 2016

Zika: dix questions sur un virus qui inquiète

L’inquiétude monte face au virus Zika. Se propageant de manière explosive, il est fortement soupçonné de causer des troubles neurologiques, le syndrome de Guillain-Barré, et des malformations congénitales, les microcéphalies. Lundi 1er février, à l’issue d’une réunion d’experts, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété que l’épidémie constitue « une urgence de santé publique de portée mondiale ».


Transmis par des moustiques, comme la dengue ou le chikungunya, ce virus a déjà touché 1,5 million de personnes au Brésil, et 3 à 4 millions de cas sont attendus sur le continent américain en 2016. Des cas importés ont été identifiés en Europe, dont cinq en France métropolitaine. Accusée d’avoir réagi trop faiblement lors de l’épidémie d’Ebola, l’OMS a annoncé toute une série de recommandations pour mieux lutter contre cette nouvelle menace. L’une des priorités est d’accroître la surveillance des cas de syndromes de Guillain-Barré et des microcéphalies dans les zones touchées par le virus Zika, afin dedéterminer si celui-ci est directement en cause, ou s’il existe d’autres facteurs. L’OMS prône également une intensification des recherches pour mettre au point des traitements, un vaccin et de nouveaux tests de diagnostic de cette infection. Aucune mesure de restriction des voyages et des échanges commerciaux n’est en revanche envisagée.
En dix questions, tour d’horizon sur un virus émergent qui pose de nouveaux défis.

D’où vient Zika, et jusqu’où ira-t-il?
Le Zika est un arbovirus transmis par la piqûre de moustiques du genre Aedes (aegypti ou albopictus). De la famille des flavivirus, comme ceux de la dengue ou de la fièvre jaune, le Zika a été identifié pour la première fois chez un singe macaque rhésus dans une forêt ougandaise en 1947. Il a ensuite été isolé chez l’homme en 1952, en Ouganda et en Tanzanie.
La première épidémie s’est déclarée dans les îles Yap (Micronésie) en 2007, où elle aurait touché les trois quarts de la population. D’autres ont suivi, en Polynésie française d’octobre 2013 à avril 2014, et au Brésil, depuis mai 2015. Les premiers cas brésiliens ont été décrits dans deux articles publiés en mai et juin 2015. Depuis octobre 2015, le virus s’est propagé dans des pays d’Amérique centrale.

Est-ce un virus mutant?
C’est ce qui pourrait expliquer l’explosion récente des cas, selon des experts cités dans le New Scientist. L’hypothèse semble cependant peu probable aux yeux d’autres spécialistes interrogés. L’analyse du génome entier du virus Zika qui circule au Brésil montre une similitude « quasi complète » avec les souches à l’origine de l’épidémie qui a sévi en 2013 et 2014 dans le Pacifique, selon une étude parue dans The Lancet le 16 janvier, menée par les chercheurs de l’Institut Pasteur de Guyane.

Comment reconnaître la maladie ?
L’infection est asymptomatique dans les trois-quarts des cas. Les symptômes, quand ils existent, apparaissent trois à douze jours après la piqûre, sous forme d’éruption cutanée avec ou sans fièvre. A cela peuvent s’ajouter fatigue, maux de tête et courbatures, laissant penser à un syndrome grippal. Le virus peut aussi se manifester par une conjonctivite, un œdème des mains ou des pieds. Ces symptômes disparaissent généralement en deux à sept jours, précise l’OMS. A priori, l’infection est immunisante, ce qui signifie qu’on ne peut pas contracter deux fois ce virus. Zika et ses conséquences chez l’homme restent toutefois mal connus, concèdent les spécialistes.

Comment la détecter?
Les gènes du virus peuvent être repérés par des analyses sanguines, d’urine ou de salive. Mais la fenêtre est courte. « Le virus est présent dans le sang entre trois à cinq jours, dans les urines pendant environ dix jours, dans la salive entre trois à cinq jours. Il n’y a pas de données sur le lait maternel », explique Isabelle Leparc-Goffart, coordinatrice du Centre national des arbovirus (CNR-IRBA). Ces chiffres sont issus de données publiées sur quelques cas. Le CNR devrait fournir prochainement des données plus précises.

Quels sont les risques pour une femme enceinte?
C’est l’un des principaux sujets de préoccupation. Même si la preuve n’est pas encore formellement établie, il est désormais hautement probable qu’une infection par le virus Zika pendant la grossesse peut entraîner de graves anomalies du développement cérébral, comme les microcéphalies (trop petite taille du cerveau et du périmètre crânien, souvent associée à des lésions cérébrales). Les atteintes les plus sévères peuvent conduire à une mort in utero ou dans les premiers jours de vie.

Que faire pendant la grossesse?
Le message est clair : en France, la ministre de la santé Marisol Touraine déconseille aux femmes enceintes de se rendre dans les zones touchées. Le Haut Conseil de santé publique (HCSP) a actualisé ses recommandations sur ce virus le 22 janvier. Celles-ci comprennent l’organisation « d’une information, d’un suivi et d’une prise en charge renforcés de toutes les femmes enceintes dans les zones d’épidémie du virus Zika, que ces femmes soient ou non suspectes d’infection par le virus Zika ». Le HCSP préconise aussi la mise en place « d’un système de surveillance et d’alerte spécifique à la détection d’anomalies congénitales neurologiques ou non ».
La microcéphalie peut être suspectée en échographie au deuxième trimestre de la grossesse, à partir de dix-huit à vingt semaines. Il existe un test diagnostique de l’infection fœtale par l’isolement du virus Zika dans le liquide amniotique après amniocentèse.

Quelles sont les autres complications de l’infection à virus Zika ?
La survenue d’un syndrome de Guillain-Barré (SGB) est l’autre motif de préoccupation. Dû à une atteinte des racines nerveuses, ce syndrome associe des douleurs – musculaires et sur des trajets de nerfs –, des troubles sensitifs (picotements…) et surtout des paralysies d’intensité variable. Après une phase d’extension et de plateau, qui peut durer plusieurs semaines, les signes disparaissent dans 80 % des cas. L’atteinte des muscles respiratoires est la plus redoutée : elle conduit à une assistance respiratoire chez environ 20 % des malades.
Le SGB est rare, sa prévalence est de l’ordre de 1 à 2 cas pour 100 000 personnes en Europe. Il est précédé dans plus de la moitié des cas par des symptômes infectieux, et de nombreux germes, bactéries ou virus, se trouvent à son origine : grippe, cytomégalovirus… C’est aussi une complication de certaines vaccinations. Des dizaines de cas de SGB possiblement liés à une infection par Zika sont en cours d’investigation.

La transmission est-elle possible entre humains?
« La transmission est presque exclusivement vectorielle », note le rapport du HCSP. Un cas de transmission par voie sexuelle a été rapporté dans la littérature. Six jours après son retour d’un voyage au Sénégal en 2008 pour des travaux sur le paludisme, le chercheur américain Brian Foy présente des signes cliniques préoccupants. Quatre jours plus tard, c’est au tour de son épouse, pourtant restée aux Etats-Unis. Tous deux sont infectés par le virus Zika. Une autre étude, publiée en février 2015, mentionne la présence du virus dans le sperme d’un homme de 44 ans vivant à Tahiti (Polynésie française), quinze jours après le début des symptômes.
Des traitements ou vaccins sont-ils disponibles ?
Non. Dans une interview à l’agence Reuters, Gary Kobinger, un chercheur de l’université Laval (Québec) a indiqué qu’un vaccin contre le virus Zika pourrait être testé chez l’homme à partir de septembre, et mis à disposition avant la fin de l’année. Il s’agit d’un vaccin à ADN, issu d’une collaboration entre l’université de Pennsylvanie, le groupe pharmaceutique Inovio et le groupe sud-coréen GeneOne Life Science.
En l’absence de traitement, les recommandations sont d’éliminer les gîtes potentiels de moustiques (vider, nettoyer ou couvrir tous les contenants susceptibles de retenir l’eau, comme les seaux, les pots de fleurs, soucoupes ou pneus, afin d’éliminer les endroits où les moustiques peuvent se reproduire). Les habitants sont invités à privilégier les vêtements longs, clairs de préférence, et à utiliser des répulsifs et des moustiquaires.

La métropole doit-elle s’inquiéter?
Pour l’heure, cinq cas importés ont été recensés, mais des transmissions autochtones sont actuellement exclues, le moustique tigre présent dans le sud de la France n’étant actif que de mai à novembre. Il est néanmoins possible que de petits foyers s’y déclarent, comme cela a été le cas pour le chikungunya et la dengue, soulignent plusieurs spécialistes. Mais une véritable épidémie leur semble peu probable car les concentrations de moustiques sont bien plus faibles en France que sous les tropiques, de même que les concentrations humaines.


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